Tournée générale d’échecs !

Fabrice HODECENT pour Route64

Un peu partout en France naissent des initiatives, de la part de bars et restaurants, d’organiser des sessions de jeu d’échecs dans leur établissement, renouant ainsi avec une vieille tradition de ce jeu millénaire. Comme à Nantes récemment, où une première soirée « échecs » a remporté un vif succès, au Paws Café, pilotée par le Cercle d’échecs local. Reportage.

Ouvert en mai dernier, le Paws café (et non pas pawns !) est situé sur l’Île de Nantes, quartier très branché de la capitale ligérienne, où les start-ups côtoient quelques grandes écoles et universités. Un lieu très vivant, de jour comme de nuit, avec ses nombreux bars, restos, lieux de concerts et autres salles de spectacles. Une belle agitation y règne, avec, notamment, de nombreux jeunes, habitants compris ; un site idéal pour organiser moult animations. « Ici on propose à nos clients des soirées d’impros théâtrales, des dégustations de vins, des concerts, des soirées quiz musicaux, ce toutes les semaines. Avec cette crise sanitaire, nous avons tous besoin d’activités, de tisser du lien social, de nous retrouver, d’où l’idée de faire du Paws un lieu extrêmement vivant, à l’image de nos vies ! », exposent Benoît Ribouchon et Vincent Pénicou, deux trentenaires qui se sont associés pour créer le lieu, un bar-resto, en sus d’une activité de traiteur pour événementiel. « Dans notre équipe, tout le monde aime le jeu, nous proposons d’ailleurs des soirées dédiées aux jeux de société, alors pourquoi pas les échecs ? Nous avons alors contacté le Cercle d’échecs de Nantes, qui nous a répondu positivement, et hop nous avons alors monté cette première soirée », poursuivent les deux associés, s’exprimant à la volée entre deux pintes de bière et des planches charcuteries-fromages.

Une première expérience synonyme d’inconnue, aussi bien pour le Paws que pour le club de Nantes, qui a communiqué sur cette soirée vers ses quelque 440 adhérents, mais aussi sur les réseaux sociaux. Car l’idée n’était pas que des habitués de clubs se retrouvent pour jouer dans un bar, mais attirer de nouveaux amateurs du jeu d’échecs, hors des radars habituels. Tout le monde a été vite rassuré, puisque dès 19 heures toutes les tables de jeu étaient occupées ! En tout, une trentaine de personnes, mêlées aux clients habituels, disputaient des parties, tandis qu’un des animateurs du club nantais, Tobias Sanvoisin, initiait quelques vingtenaires aux bases du jeu d’échecs. Positions des pièces, mouvements, ouvertures basiques… comme dans une école, le sémillant Tobias captivait son auditoire, à l’aide d’un tableau échiquier accroché sur un mur de l’établissement. « Vous voyez, là, comment le roi est mis en échec ? Que doit-il faire ? », questionne Tobias, devant un auditoire attentif et concentré. Une initiation qui s’est poursuivie ensuite sur de vrais échiquiers, avec des problèmes à résoudre. De savoureux instants pédagogiques, au milieu de tous les autres clients, avec en fond de la musique, sous des éclairages plus ou moins tamisés… pour un peu le mythique Café de la Régence renaissait !

Faire un rendez-vous régulier de cet essai transformé

« Nous avions déjà un jardin, alors pourquoi pas une cantine ?! », commente avec son humour coutumier Sophie Lasne, la tonique présidente du Cercle d’échecs de Nantes, un des plus gros clubs français en termes d’effectifs. Faisant référence au partenariat avec le magnifique jardin des Plantes de Nantes, où sont organisées en plein-air diverses grandes manifestations échiquéennes (simultanées géantes, fête des échecs, etc.). « Plus sérieusement, bien évidemment que nous avons répondu immédiatement favorablement à la demande des patrons du Paws, car les échecs doivent être présents partout, sortir de leur cadre institutionnel pour aller à la rencontre d’amateurs du jeu qui n’iront pas forcément pratiquer dans nos structures. L’idée n’est pas de recruter, nous sommes déjà quasiment complets, mais de promouvoir les échecs, leur donner de la visibilité », poursuit Sophie Lasne. Le club nantais a donc organisé la soirée, fournissant jeux et animateurs, prenant ses quartiers dans un établissement qui ce soir-là a fait le plein, même en terrasse en ce doux début mars ! « On a programmé cette soirée un mercredi, car habituellement c’est une soirée calme, et là il y a beaucoup de monde, c’est donc un succès, sans doute amené à être renouvelé. Ce plaisir, aussi, de pouvoir proposer une soirée conviviale et libre sans obligation de porter le masque sanitaire ! », se réjouissent Benoît et Vincent, smile jusqu’aux oreilles.

Ainsi, durant quelque quatre heures de temps, les échecs ont investi le Paws ; une expérience réussie pour les deux parties prenantes, qui pensent déjà à la rééditer. « Pourquoi pas en faire un rendez-vous régulier ? », propose ainsi Sophie Lasne aux deux associés, tout à fait d’accord avec cette suggestion, afin d’en faire un rendez-vous programmé. A quelle fréquence ? Rien n’a encore été décidé, mais ce pourrait être une fois par mois, par exemple, afin que l’habitude s’installe. L’idée n’est pas de créer un Blitz Café Society comme à Paris, lui 100 % échecs, mais que le jeu puisse être présent de manière régulière dans l’établissement, car tout le monde y gagne, aussi bien le bar-resto que le club et les pratiquants d’échecs, les uns découvrant parfois le jeu, les autres un établissement très vivant et accueillant. Un bon deal grâce auquel le jeu d’échecs retrouve ce qui a fait son essence populaire, ainsi pratiqué dans un bar, en sirotant un verre tout en gobant quelques frites ou tapas… de quoi laisser quelques empreintes de graisse sur les pièces de jeu !