Pour développer les échecs en Afrique, « il faut aller sur place »
Dossier spécial Sénégal
Dossier spécial Sénégal
« il faut aller sur place »
Jean-Claude Moingt, passionné des échecs depuis des dizaines d’années, est très impliqué dans le développement du jeu à l’international.
Historiquement, quelques pays tirent leur épingle du jeu… surtout en Afrique du Nord. L’Égypte, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc incarnent l’élite échiquéenne africaine. L’Égyptien Amin Bassem, 33 ans aujourd’hui et 50ème meilleur joueur mondial (2687 ELO), a remporté cinq fois le championnat d’Afrique, un record (en 2009, 2013, 2015, 2017 et 2018). Il devance un autre égyptien : Ahmed Adly, quatre titres entre 2005 et 2021. Même constat chez les femmes : quatre victoires pour l’Égyptienne Shrook Wafa (2013, 2014, 2016 et 2019) et trois pour sa compatriote Mona Khaled (2007, 2009 et 2015). Depuis la première édition en 1998, l’Égypte a été sacrée douze fois sur seize chez les hommes. Vient ensuite le Maroc, deux fois vainqueur, puis le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. Chez les femmes, 9 victoires égyptiennes sur 14 éditions. Les autres titres reviennent à l’Algérie (2001 et 2003), l’Afrique du Sud (2009 et 2021) et le Botswana (2005). « Il y a aussi une grande culture échiquéenne en Tunisie », confie Jean-Claude Moingt.
En 1967, le génie des échecs Bobby Fischer se déplaçait à Sousse, au sud de Tunis, pour un tournoi interzonal dans lequel participaient aussi Efim Geller, Viktor Kortchnoï ou Samuel Reshevsky. Dans les années 70, un match opposant la France et la Tunisie « n’était pas clair à l’avance concernant l’issue finale », rappelle Moingt, qui cite le Grand maître international Slim Bouaziz en référence, aujourd’hui 72 ans et encore classé 2255. En Afrique subsaharienne, en revanche, « les échecs sont beaucoup moins populaires et ancrés dans la culture », analyse l’ancien président de la FFE. Il rejoint sur ce point le président du comité de restructuration de la Fédération Sénégalaise d’Échecs (FESEC) Amadou Lamine Cissé, qui affirme que d’autres jeux comme les dames ou des jeux traditionnels africains sont beaucoup plus communs sur les places des villages (voir interview par ailleurs). Le premier Grand maître d’Afrique subsaharienne est Amon Simutowe, titré en 2009 (aujourd’hui 2249 ELO). Alors comment faire pour accélérer le développement des échecs en Afrique ? Nigel Short, vice-président de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE), a quelques idées parmi lesquelles organiser la première Olympiade d’échecs sur le continent africain. Lors d’une visite à l’île Maurice, en avril 2022, il a déclaré à un journal local : « J’aimerais voir une Olympiade en Afrique. Cela pourrait se faire en 2026 en Afrique australe. Le meilleur endroit serait l’Afrique du Sud ». Même avis pour Jean-Claude Moingt, qui martèle que pour aider au développement des échecs en Afrique, « il faut aller sur place ». « Faire venir un 2100 du Zimbabwe en Europe pour un tournoi, en quoi cela aide le Zimbabwe à progresser dans sa politique échiquéenne ? », s’interroge le Français. Il livre les contours d’un projet en cours, encore à finaliser : « Nous envisageons, avec la FFE, d’organiser un tournoi dans un pays d’Afrique francophone. J’ai un partenaire pour le financement, le pays est intéressé et les élus sur place sont favorables au projet ». Et de conclure en insistant : « Inviter des joueurs en France à un open a un impact franchement limité, la clef est de se rendre sur place ».